Édition originale publiée anonymement – rarissime à la date de 1836.
Retiré de la circulation dès sa parution, le chef-d’œuvre de Louis Geoffroy fut remis en vente chez Paulin, en 1841, avec les faux-titre et titre renouvelés. Toujours en 1841, Paulin publia une seconde édition au format in-12, entièrement revue et augmentée par l'auteur. Depuis, seules deux rééditions ont paru : en 1851 dans Les Veillées populaires et, en 1896, à La Librairie illustrée (sur notre site à 70 euros...).
Envoi a. s. de substitution de l’éditeur (l’ouvrage étant anonyme) : hommage de l’éditeur à Mr Duplessis, Paris 29 septembre 1836.
Geoffroy reprend l’histoire de Napoléon au moment où il arrive devant Moscou incendié, mais au lieu d’entreprendre sa fatale retraite et de retourner vaincu et presque seul dans une France prête à le trahir, l’auteur dirige Napoléon sur Saint-Pétersbourg, puis, d’une épopée splendide et achevée, l’amène au stade ultime de la monarchie universelle – non sans oublier de lui permettre en chemin, alors qu’il croise au large de Sainte-Hélène, de faire sauter l’île dans son intégralité...
Le but n’est point une tyrannie despotique, mais un régime harmonieux dans lequel les peuples du monde unifiés réalisent enfin de grandes conquêtes autres que militaires. Et Geoffroy de dresser un éblouissant catalogue des réussites de l’humanité dans tous les domaines, arts, littérature, médecine, sciences etc... La misère elle-même aura complètement disparue.
On renverra le lecteur à l’impressionnant et dithyrambique chapitre que Pierre Versins consacre à cette œuvre magistrale dans son Encyclopédie de l’Utopie et de la Science-fiction (L’Age d’Homme, 1984, pp. 360-366), considérant ce Napoléon apocryphe comme un livre fondamental – le livre qui brille par-dessus tout – et le premier explicitement uchronique. Par les idées comme par le style, l’œuvre est en tout point parfaite (…) en 500 pages qui se lisent comme un roman d’aventures, et où tout concourt à la grandeur du but recherché, Geoffroy donne à Napoléon la chance qui lui manqua et dont l’absence causa le désastre de la Bérézina (…) on peut s’étonner que ce texte soit si peu connu alors qu’il est et demeure, sans conteste, le chef-d’œuvre incomparable de l’uchronie jusqu’à ce jour.
(….) Et si, par malheur (Napoléon avait été écrasé), l’homme n’aurait-il pas droit de se réfugier dans sa pensée, dans son cœur, dans son imagination, pour suppléer à l’histoire, pour conjurer ce passé, pour toucher le but espéré, pour atteindre la grandeur possible ? (…) J’ai fini par croire à ce livre après l’avoir achevé. Ainsi, le sculpteur qui vient de terminer son marbre y voit un dieu, s’agenouille et adore. (Préface).
Des rousseurs prononcées sur les quatre premiers feuillets – plus une seule larme ensuite, le texte semble avoir été pieusement respecté…
Ex-libris Dominique de Villepin.