Seconde édition établie par Jules Troubat de l'introuvable Livre d'Amour publié en 1843.
Un des 450 exemplaires sur vélin d'Arches, seul tirage après 50 Japon.
Recueil de poèmes, odes et sonnets, le Livre d’amour témoigne de la liaison de Sainte-Beuve et Adèle Hugo entre 1830 et 1837. L’auteur avait déjà évoqué de façon allusive et dissimulée sa brulante passion, partagée, pour l’épouse de son grand ami, dans ses Consolations (1830), son roman Volupté (1834) ou dans Madame de Pontivy (1837) – sans que Victor Hugo n’y trouve à redire.
Après la fin de cette liaison amoureuse, dans sa rage de confession (J.-M. Hovasse), SainteBeuve ne se soucia plus guère de discrétion. Ce fut plus explicite : le prénom de l’amante apparut en toutes lettres dans les dédicaces ou les titres des poèmes du Livre d’amour quand le nom du mari se découvrait aisément dans une tournure transparente : celui dont Notre Dame exalta le pinceau... Bien avant la tumultueuse promenade d’Emma Bovary, la part charnelle, de moins en moins équivoque, pouvait se laisser deviner derrière les vitres d’un fiacre – ce gite errant tournoyant aux Champs Élysées – embuées par l’haleine humide des amants : chaque soupir nous cache, et nous passons voilés.
Sainte-Beuve ne diffusa pas son volume qu’il fit imprimer à ses frais en novembre 1843 – subitement convaincu qu’il était urgent d’attendre. C’est en tout cas ce qu’il résulte d’un testament qu’il rédigea le 19 décembre suivant, priant Juste Olivier, exécuteur testamentaire désigné, de s’assurer de bien recueillir la totalité des 204 volumes du Livre d’amour qu’il détenait et de les conserver jusqu’à la mort des deux personnes, qui, ainsi que moi, n’en doivent pas voir la publication. Après quoi, il serait libre d’en user à sa volonté.
Sainte-Beuve empila donc ses volumes dans un placard. Pourtant, il ne put résister au plaisir d’en faire circuler quelques-uns auprès d’amis sûrs, enfin presque. Selon la légende, un articulet vachard d’Alphonse Karr (Les Guêpes, avril 1845) révélant l’existence du Livre d’amour et accusant son auteur de laisser sur la vie de cette femme la trace luisante et visqueuse que laisse sur une rose le passage d’une limace, l’aurait incité à détruire tout ou partie de son livre.
Est joint le bulletin de souscription correspondant à cet exemplaire - n°159
Couverture partiellement insolée, intérieur impeccable