Édition originale.
Avec une lettre à Duranty de la librairie Parisienne, 3 décembre 1879 : Monsieur Duranty, un client me demande de lui procurer une brochure dont vous êtes l’auteur, sur le groupe de peintres qui exposaient chez Durand Ruel. Pourriez-vous me la procurer, ou me dire où je la trouverais ? Ici bien sûr !
Le 1er avril 1876 se tient la deuxième exposition, dite des Impressionnistes, à la galerie Durand-Ruel, rue Le Peletier. Béliard, Bureau, Caillebotte, Cals, Degas, Desboutin, François, Legros, Levert, Lepic, Millet, Monet, Morisot, Ottin fils, Pissarro, Renoir, Rouart, Sisley, Tillot sont les participants. Les critiques sont désastreuses, les peintres sont même assimilés à des communards. La rue Le Peletier a du malheur. Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier (…) Le passant inoffensif attiré par les drapeaux qui décorent la façade entre et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel : cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition… (Albert Wolf, Le Figaro). Le ton est donné.
Duranty, n’ayant aucune colonne à sa disposition pour contre-attaquer, fit les frais des 750 exemplaires qui sortirent le 12 avril suivant. Prenant prétexte d’un article d’Eugène Fromentin qui avait critiqué l’importance donnée au soleil et au plein air dans la doctrine réaliste, Duranty prit la défense du droit des peintres à l’originalité et au réalisme. Il se lança dans une démonstration de ce qu’était vraiment la peinture moderne, avec une concision, une clairvoyance et une pertinence toutes durantyennes (comme on dira plus tard : fénéonienne).
Après avoir taillé au sécateur Eugène et l’académisme – étrange système de peinture, borné au sud par l’Algérie, à l’est par la mythologie, à l’ouest par l’histoire ancienne, au nord par l’archéologie – il replanta le mouvement sur ses racines réalistes (nommant Courbet, Ingres, Corot, Delacroix), fit des boutures avec des tempéraments distincts qui sont aussi, avec ceux qui exposent chez Durand-Ruel, dans la recherche et la tentative (parlant de leurs tableaux non exposés sans nommer aucun auteur mais tous aisément reconnaissables, Jongkind, Boudin, Fantin, Whistler, Manet) avant d’entreprendre de clarifier et de définir toutes les avancées de la nouvelle peinture dans les domaines de la lumière, de la couleur et du dessin… sans plus s’occuper du bouquet exposé ni décrire un seul tableau. J’ai donc moins en vue l’exposition actuelle que la cause et l’idée.
On comprend que, sur le coup, Duranty déçut plus d’un peintre de la galerie Durand-Ruel qui s’attendaient à un tout autre plaidoyer, plus personnalisé. A part Degas et Degas, aucun exposant du groupe de 1876 ne pouvait se reconnaître dans ces pages, contrairement à ceux qui n’exposaient pas. Duranty avait pris trop de hauteur, trop d’avance aussi, dépassant surtout le registre habituel du compte rendu de Salon. Mais il leur donna un des premiers manifestes pour doubler le cap de Bonne-Espérance de l’art – formulant la première et la plus complète définition de l’Impressionnisme dans la complexité de ses tendances et la diversité de ses expressions (Crouzet).
Ces 38 pages suffiraient à plier bien des Histoires de l’Art.
Dos un peu passé.