Édition originale.
Un des 55 exemplaires numérotés sur vélin Alfa, seul tirage de tête.
Le germe de La Grande Statuaire remonte à décembre 1913, les premiers matériaux sont rassemblés dans les Feuilles de routes de 1914, la rédaction débute, en 1917, au cours du dernier séjour en Chine de Segalen, elle se poursuit dès son retour à Brest, en 1918.
Segalen n’aura pas le temps de la parachever : en novembre 1918, complètement épuisé, il doit cesser toute activité.
Si La Grande Statuaire couvre ses travaux et ses découvertes faites au cours de ses trois voyages en Chine, elle ne se réduit pas à un compte rendu sinologique. C’est davantage un livre de critique d’art qui s’inscrit dans la grande tradition, initiée, au siècle des lumières, des livres du genre faits par des écrivains poètes. Bref, une histoire de la statuaire dans la Chine ancienne, «habitée », où la transcription de la pierre se veut vivante, partiale, passionnée.
Quand, pour la première fois, un œil européen s’empare d’une forme de pierre témoin de deux mille années du passé chinois, et que chaque coup de pioche fait tomber un peu plus du manteau de la terre, il monte une impression de possession personnelle, d’œuvre personnelle, telle que la seule description, longtemps après, prend un émoi d’aventure personnelle. Ce sont des statues de ce genre, des aventures de ce genre dont je parlerai surtout ici. Elles sont à peine « exhumées », à peine « déterrées », à peine « dépouillées »… elles sont vives. Elles gisent encore là-bas où nous les avons trouvées. Elles n’ont pas encore « figuré » dans un musée. Elles ne sont pas mortes une seconde fois. Mais, si l’on n’y prend garde, elles vont disparaître une bonne fois pour toutes : plongeant au fond des labours ou, découpées, servant de pierres meulières ou de moellons à bâtir.
Bel exemplaire.