Édition originale.
Un des 12 exemplaires numéroté sur hollande, seul grand papier.
Envoi a. s. : à monsieur G. More (sic), hommage de l'auteur Jean Richepin
Il s'agit de George Moore (1852-1933), romancier, poète, auteur dramatique et critique d'art irlandais.
Roman à clefs sur la bohème parisienne, Braves gens s’inspire plus particulièrement de la vie d’un de ses plus célèbres personnages, Ernest Cabaner, à la mémoire duquel le livre est dédié. Esprit bizarre et fantasque, ses théories abracadabrantes nous faisaient tordre sur place, puis penser dans l’escalier (Verlaine), poète et musicien extraordinaire si l’on se réfère aux anecdotes savoureuses et aux très nombreux témoignages que ses contemporains ont laissés de lui, Cabaner aura marqué son époque par sa fantaisie et son extravagance, exerçant sur la plupart de ceux qui l’approchèrent une influence plus ou moins grande, plus ou moins directe, mais réelle. On redoutait ses critiques et son approbation était précieuse (Georges Rivière, Renoir et ses amis).
Son œuvre musicale, oubliée aujourd’hui, réserverait peut-être bien des surprises. Outre le fameux sonnet du Pâté dont Manet jugeait la musique aussi belle qu’une toile de primitif et la mélodie du Hareng saur de Charles Cros, fort prisée, Cabaner a laissé une trentaine de partitions dont une composition sur l’Hérodiade de Mallarmé. En mai 1881, pour lui venir en aide alors qu’il est rongé par la phtisie, la fine fleur des impressionnistes dont monsieur Cabaner aimait le talent et qu’il fréquentait à la Nouvelle-Athènes, organisa une vente pour lui fournir quelques subsides. Zola signa la préface du prestigieux catalogue. Deux mois plus tard et malgré les 2 500 francs récoltés pour lui payer la cure, Cabaner mourrait. A défaut de sanatorium, le sieur Tronche de l’Album Zutique (Cabaner fut aussi barman pianiste à l’Hôtel des Étrangers – fin 1871, il y partagera même sa turne avec Rimbaud) entra dans une postérité cryptée très importante via la littérature à clefs de cette époque, depuis le Dinah Samuel de Champsaur, où il apparaît sous les traits de Raperès, jusqu’à La Maison de la Vieille de Mendès, où il se nomme Lafilède. Entre 1882 et 1894, Cabaner sera devenu successivement Tristapatte (Ernest d’Hervilly, Les caprices de Guignolette), Toquaire (Harry Alis, Hara-Kiri), Joséphin Criquet (Émile Goudeau, La Vache enragée), Yves de Kergouet (pour le présent numéro), Kabaner (Paul Alexis, Madame Meuriot), Pouyadou (Léon Bloy, Sueur de sang) et on en oublie certainement. (cf. Lefrère & Pakenham, Cabaner, poète au piano, L’Échoppe, 1994).